Khadija by Marek Halter

Khadija by Marek Halter

Auteur:Marek Halter [HALTER, Marek]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2014-10-18T04:00:00+00:00


La mort d'Al Sa'ib

Muhammad et la caravane furent de retour alors que les premières chaleurs du printemps embrumaient les aubes. Les bâts et les sacs pesaient lourdement sur le pas des chameaux. Les affaires avaient été vivement menées dans les royaumes du Sud où arrivaient les produits précieux de Perse et, parfois aussi, ceux étranges et très rares des lointains pays de l'Est où le soleil se levait toujours en premier. Pourtant, alors que d'ordinaire l'approche de Mekka attisait rires et impatience, Muhammad et ses compagnons allaient le visage clos.

Vingt jours plus tôt, alors qu'ils s'apprêtaient à franchir les falaises tourmentées enserrant la grande plaine du darb al Kabsi, un vent maléfique s'était levé. La poussière arrachée du sol, tournoyante et aveuglante, avait brutalement rendu l'air aussi irrespirable et sombre qu'une nuée. Elle franchissait les tissus et les paupières, s'incrustait dans les bouches et les gorges. Surpris sur l'étendue d'un plateau en surplomb de ravines, ils avaient dû lutter longtemps contre cette tourmente, visages et yeux bandés, avant de trouver un abri.

Comment était arrivé l'accident ? Personne ne le sut précisément. Dans les halos de lumière qui traversaient par instants les tourbillons opaques, peut-être Al Sa'ib avait-il cru voir des bêtes s'écarter ? La tourmente l'avait-elle aveuglé au point qu'il n'avait plus pu distinguer les ombres mouvantes de la caravane ? Pourtant, nul plus que lui ne possédait autant d'expérience et de savoir sur les maléfices engendrés par les tempêtes du désert.

S'il avait hurlé et appelé à l'aide, on ne l'avait pas entendu. Le vacarme du vent, la lutte que chacun menait pour atteindre le refuge d'une falaise avaient empêché qu'on se rende compte de sa disparition. Ce ne fut qu'après avoir repris son souffle, alors que la tourmente diminuait un peu, que Muhammad s'étonna de son absence.

Il s'élança à rebours sur la route qu'ils venaient d'accomplir. Abu Bakr, le jeune cousin d'Abu Nurbel, fut aussitôt à son côté. Il leur fallut errer le reste du jour avant de retrouver le corps d'Al Sa'ib au côté de son méhari aux reins brisés. Ils étaient tombés dans une faille de roches écarlates pareille à une chair tranchée et que l'on appelait zakzoum. Large d'à peine deux ou trois hauteurs d'homme, ces failles pouvaient être si profondes qu'on peinait à en deviner le fond. Traîtresses, presque invisibles, elles sillonnaient de leurs rebords déchiquetés et mortels ces hauts plateaux qui semblaient si aisés à franchir.

Au risque de leur vie, Abu Bakr et Muhammad descendirent tout au fond de l'abîme. Après mille efforts, ils parvinrent à ramener le corps d'Al Sa'ib à la caravane, où une sépulture décente l'offrit à la clémence des dieux.

Et, maintenant qu'ils approchaient de Mekka, pesait sur le cœur de Muhammad l'annonce qu'il lui faudrait bientôt faire aux oncles, aux frères et aux épouses d'Al Sa'ib. Il cherchait les mots et la plus douce manière dont il pourrait user. Il n'en trouvait pas. La mort ne possède que les mots de la mort. Abu Bakr, l'encourageant d'un regard, lui rappelait



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